“A bas la France” : le message s’étale en grosses lettres sur un carton brandi dans une manifestation organisée devant l’ambassade française à Niamey, la capitale du Niger, dimanche 30 juillet, quatre jours après le coup d’Etat mené par le général Abdourahamane Tiani. Certains manifestants ont voulu entrer dans le bâtiment, avant d’être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes. D‘autres ont arraché la plaque “Ambassade de France au Niger”, avant de la piétiner et de la remplacer par des drapeaux russe et nigérien.

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“Quiconque s’attaquerait aux ressortissants, à l’armée, aux diplomates et aux emprises françaises verrait la France répliquer de manière immédiate et intraitable”, a réagi l’Elysée dans la foulée. Selon la présidence, Emmanuel Macron “ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts”. Lundi, les militaires nigériens qui ont renversé le président Mohamed Bazoum ont accusé la France de vouloir “intervenir militairement”. Franceinfo revient sur les raisons pour lesquelles la France est ciblée au Niger.

Une opposition à Barkhane

Actuellement, quelque 1 500 militaires français sont toujours présents au Niger, selon l’AFP, pour combattre les attaques jihadistes. Le Niger est un partenaire stratégique de la France dans cette région instable et précaire. Mais cette présence militaire est contestée depuis que les députés nigériens ont autorisé, il y a plus d’un an, le déploiement de forces étrangères sur le territoire, dont des contingents français.

Dès septembre 2022, plusieurs centaines de personnes avaient protesté contre la force antijihadiste française dans les rues de Niamey, à l’appel du M62, un mouvement issu de la société civile, qui a renouvelé son appel à manifester après le coup d’Etat. Il y a dix mois, la manifestation s’était déroulée de façon pacifique. Mais, déjà, des pancartes hostiles à la France avaient été brandies, avec des slogans comme “Dégage l’armée française criminelle” ou “L’armée coloniale ‘Barkhane’ doit partir”, en référence à l’opération française au Sahel. La France venait d’installer le gros de ses troupes au Niger, après le départ à l’été 2022 des militaires français du Mali, sous la pression de la junte qui a fait appel aux mercenaires russes de Wagner. D’après Le Monde, 5 000 conteneurs renfermant du matériel y ont été acheminés à mesure que Paris diminuait sa présence militaire au Mali.

Aujourd’hui, la France dispose au Niger d’un poste de commandement, d’une base aérienne (non-permanente) et d’un dispositif de “coopération”, comme le détaille La Croix. Toutefois, “le contingent tricolore ne participe qu’aux opérations pour lesquelles le gouvernement nigérien réclame de l’aide”, résume le quotidien. Or, la stratégie qui consiste à être “à disposition du partenaire” et “à répondre aux besoins qu’il formule” que ce soit pour “du soutien aérien, du support logistique, du renseignement, de la formation ou de l’accompagnement aux combats” est “remise en cause” par le coup d’Etat, estime la politologue Niagalé Bagayoko sur France Inter. Ainsi, une réflexion “est en cours pour la mise en place d’un nouveau dispositif” et de “nouvelles modalités de la présence militaire [française] dans la région”.

Un impérialisme contesté

La France est toujours vue comme l’ancienne puissance qui a colonisé le Niger entre 1897 et 1900. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le pays est devenu un territoire d’outre-mer, comme la plupart des colonies françaises d’Afrique. Ce n’est que le 3 août 1960 que le Niger a accédé à l’indépendance. “La France n’a jamais considéré le Niger comme un partenaire, elle voyait le Niger comme une de ces colonies d’outre-mer !”, juge ainsi Harouna, un commerçant de Niamey, interrogé par franceinfo. Ce dernier souhaite que l’engagement militaire de la France prenne fin et que son pays se renforce d’un point de vue diplomatique.

“Petit à petit, c’est une période historique pour la France qui se termine, une période post-coloniale de présence militaire”, constate pour sa part le journaliste Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique. La politologue Niagalé Bagayoko reconnaît que la présence française est souvent “brandie comme le premier symbole d’un néocolonialisme”. Mais pour elle, il ne faut pas pour autant y voir “la principale origine du rejet actuel” de la France. “Plus généralement, l’ensemble des partenaires internationaux présents, militairement, sont l’objet d’une hostilité”, insiste l’experte.

Une influence russe qui s’étend

Dimanche, si les manifestants ont exposé des slogans hostiles à la France, ils ont en revanche affiché un soutien à la Russie en scandant “Vive la Russie !” et en agitant des drapeaux russes. Des scènes déjà observées pendant les coups d’Etat au Mali en 2020 et au Burkina Faso en 2022. “Aujourd’hui, nous sommes en train de voir la manière dont les autorités de transition dans ces pays sont en train de tutoyer les puissances impérialistes et s’affirmer en tant qu’Etat souverain“, expose Hassane, étudiant à l’université de Niamey, auprès de franceinfo.

“C’est très proche de ce qui s’est passé à Ouagadougou”, au Burkina Faso, observe Michel Galy, chercheur au centre d’études sur les conflits et professeur de géopolitique à l’Institut des relations internationales, invité de franceinfo. Selon lui, certaines personnes, “non francophones, par dépit et rancœur sociale, se tournent vers la Russie que l’on ne connaît pas, plutôt que vers la France, que l’on connaît trop”