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"Jeanne du Barry" de Maïwenn a ouvert la 76e édition du Festival de Cannes. Pour AlloCIné, les acteurs du film, Melvil Poupaud et Benjamin Lavernhe expliquent pourquoi le projet est un événement en France.

Sixième long métrage de Maïwenn, Jeanne du Barry a ouvert le 76e Festival de Cannes. Dans le rôle-titre, la réalisatrice elle-même. Elle s’entoure d’une distribution française – Benjamin Lavernhe, Melvil Poupaud, Pierre Richard ou encore India Hair – et d’une exception, Johnny Depp, sous les traits du roi Louis XV qui choisit la comtesse comme sa favorite.

Dans l’enceinte du château de Versailles, où le film a été tourné durant l’été 2022, AlloCiné est allé à la rencontre de Benjamin Lavernhe et Melvil Poupaud. Le premier incarne le valet du souverain, Jean-Benjamin de La Borde, le second interprète le conte Jean du Barry qui présente sa femme au roi.

Jeanne du Barry

Sortie :

17 mai 2023

|
1h 56min

De
Maïwenn

Avec
Maïwenn,
Johnny Depp,
Benjamin Lavernhe

Presse
3,3

Spectateurs
3,2

Séances (950)

AlloCiné : Maïwenn est connue pour son approche très libre et instinctive. Un film comme Jeanne du Barry ne laisse aucune place à l’improvisation. Quel regard portez-vous sur son travail avec ce film à grande échelle ?

Benjamin Lavernhe : Au début, j’étais un peu déstabilisé parce que je me suis dit : “Je vais bosser avec Maïwenn, on va faire des improvisations de 30, 40 minutes, ça va être une expérience.” Et la première chose qu’elle m’a dit, c’était : “Je voudrais vraiment qu’on respecte les dialogues qui sont écrits cette fois.” Et donc je me suis dit : “D’accord, c’est pas du tout le même projet.” On l’a accompagnée dans cette aventure dingue.

Malgré les contraintes d’un cinéma dit classique, dans le sens noble du terme, elle a insufflé sa liberté et sa sensibilité qui est très instinctive. Quand elle nous dirigeait, on ne pouvait pas s’empêcher de faire de l’impro alors que la première règle était de ne pas en faire.

Ça la démangeait trop. Elle trouve la vérité dans l’accident, dans le fait de nous déstabiliser. Elle a besoin qu’on casse, quitte à reconstruire et à retrouver les dialogues écrits après. Dans cette nouvelle forme de cinéma pour elle, on avait l’impression de l’accompagner dans un baptême.

Melvil Poupaud : Sur le tournage, j’ai vu quelqu’un qui, malgré le budget et l’ampleur du projet, qui est quand même assez exceptionnel pour la France, se disait : “On va changer de dispositif. On va essayer d’improviser.” J’ai vu quelqu’un qui n’était pas du tout figé dans ce carcan, mais qui, au contraire, à l’intérieur de ce projet assez cadré, voulait trouver son ton et trouver la vérité de ses personnages.

Elle voulait faire un film qui parle de la vie, des sentiments avec toute leur complexité, des personnages qui peuvent être à la fois odieux, mais en même temps attachants.

Le film renvoie à une époque, celle des années quatre-vingt ou quatre-vingt dix, où les films historiques étaient légion. Est-ce gratifiant pour des acteurs tels que vous de participer à un projet qui rappelle un cinéma qui existe de moins en moins ?

Benjamin Lavernhe : C’est un bonheur de faire partie d’un héritage de l’histoire du cinéma et d’en être, de se dire : “On a joué dans un grand film d’époque en costumes.” C’est des films qui se font plus. C’est des prises de risque de producteurs énormes. C’est grandiose.

On a l’impression que ça appartient au passé. Et puis, tout à coup, non, ça revient et on a la chance de faire ça à Versailles. On est habité par les fantômes du lieu. Avec Melvil, on n’arrêtait pas de se dire : “Putain, c’est dingue quand même.”

Premier jour, on arrive dans la galerie des Glaces, on est tous en costumes, il y a le soleil qui se couche et il y a Pierre Richard, Johnny Depp, Maïwenn et avec Melvil, on se disait : “Is this real ?” On s’est mis à parler anglais même (rires).

Le film est intéressant dans sa façon de mélanger un français plutôt moderne à un français très classique, d’époque. Comment avez-vous abordé ce texte coécrit par la réalisatrice ?

Benjamin Lavernhe : Maïwenn s’est posée très vite ces questions sur la langue. Elle m’a dit : “Je veux des comédiens qui soient crédibles tout de suite dans l’époque. » Elle s’est donc entourée de pas mal d’acteurs de théâtre. Micha Lescot, Pascal Greggory, Noémie Lvovsky. Il y a toute une bande, moi même d’ailleurs. Et c’est un subtil équilibre. Il ne fallait pas que ce soit trop moderne.

Melvil Poupaud : Elle a gardé une espèce de latitude entre une reconstitution et une version contemporaine de l’histoire, aussi bien dans les costumes, dans les dialogues que dans les faits historiques. Ce n’est pas un documentaire ou un film fait par un historien. C’est Maïwenn qui est une autrice et qui a pris des libertés. C’est ça que je trouve beau, justement. C’est un film libre.

Johnny Depp incarne ici son premier rôle majeur dans un film français. Qu’est-ce qui a retenu votre attention dans sa méthode de travail ?

Benjamin Lavernhe : En parlant avec lui, il est assez généreux dans ses anecdotes et il est passionné par son métier. Il évoque assez facilement ses expériences passées. Son amour de Chaplin, de Buster Keaton et même Louis de Funès. Et en parallèle, il me racontait que dans Edward aux mains d’argent de Tim Burton, le personnage d’Edward était beaucoup plus bavard au début et qu’ils ont dû beaucoup couper. Il aime beaucoup ça, jouer avec son visage.

On le voit, il a deux billes de clown, on lui maquillait la bouche et tout d’un coup, il devenait Edward aux mains d’argent. Et puis après, avec la fatigue, avec ses vieux cheveux, on aurait dit une vieille femme. Puis, en un claquement de doigt, il peut redevenir une sorte de beau gosse. Il a une magie à l’image inouïe. Ça l’intéresse, il s’en sert. Il n’a pas besoin de dire beaucoup de mots pour se faire comprendre. Même une scène où il ne dit rien. Il arrive et il impose son autorité.

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Melvil Poupaud : Pour moi, c’est un de ses meilleurs rôles. En tout cas depuis longtemps. Il est presque mis à nu, la façon dont il est filmé par Maïwenn des fois. Au-delà du roi, on voit aussi l’homme, on voit Johnny Depp, on voit un homme en général un peu brisé et aussi flamboyant par moments.

C’est comme un document sur un acteur de 60 piges. Le film est très beau aussi parce que ça documente ce moment de sa vie. On sent qu’il est conscient de ça et il se livre. On le voit au réveil, habillé, maquillé, pas coiffé, malade, souffrant. Et rien que pour ça, le film est précieux.

Propos recueillis par Thomas Desroches, au château de Versailles, le 8 mai 2023.

Jeanne du Barry de Maïwenn, dès le 16 mai au cinéma.