Passé par le Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2022, dont il avait fait la clôture en mai dernier, "About Kim Sohee" sort dans nos salles. Et nous fait découvrir un fait divers sur fond de harcèlement au travail qui a secoué la Corée.
ÇA PARLE DE QUOI ?
Kim Sohee est une lycéenne au caractère bien trempé. Pour son stage de fin d’étude, elle intègre un centre d’appel de Korea Telecom. En quelques mois, son moral décline sous le poids de conditions de travail dégradantes et d’objectifs de plus en plus difficiles à tenir.
Une suite d’événements suspects survenus au sein de l’entreprise éveille l’attention des autorités locales. En charge de l’enquête, l’inspectrice Yoo-jin est profondément ébranlée par ce qu’elle découvre. Seule, elle remet en cause le système.
RESSOURCES INHUMAINES
A Girl at My Door le laissait déjà présager. C’est désormais une certitude : il ne faudra pas oublier de citer July Jung aux côtés de Bong Joon-ho, Kim Jee-woon, Lee Chang-dong ou Park Chan-wook lorsque l’on évoquera les cinéastes coréens les plus intéressants. Neuf ans après un premier essai remarqué, le réalisatrice renoue avec Doona Bae et le drame dans ce film présenté en clôture de la Semaine de la Critique, au dernier Festival de Cannes.
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A la différence de son premier opus, About Kim Sohee s’inspire d’une histoire vraie. Un fait divers survenu dans le petit village de Jeonju fin 2016, méconnu en France mais qui a eu des répercussions sur les lois du travail en Corée du Sud. Une histoire sur laquelle le synopsis a la bonne idée de ne pas trop en dire, et mieux vaut ne pas trop en savoir pour apprécier au mieux l’écriture et la mise en scène de ce drame glaçant, dont le sujet parlera à beaucoup de ses spectateurs.
Si la pression liée aux résultats est particulièrement présente dans la société coréenne, la manière dont About Kim Sohee la traite en évoquant également le harcèlement au travail rend le film universel. July Jung n’est évidemment pas la première à le faire, et elle ne sera sans doute pas la dernière. Mais la sensibilité et la subtilité avec lesquelles elle traite son sujet, au lieu de tomber dans la charge et de risquer de perdre son point de vue, lui permettent de se distinguer.
Et de laisser entrevoir des motifs récurrents dans sa courte filmographie. Chacun de ses deux films évoque en effet le harcèlement (au sein de la famille dans A Girl at My Door, au travail ici) et s’articule autour de la rencontre entre une victime et celle qui la protège. Avec une différence de taille dans la structure d’About Kim Sohee, qui opère un étonnant changement de point de vue à mi-parcours.
On craint alors que le récit ne perde de sa force, car il lui faut quelques minutes pour repartir. Mais il la retrouve. Différemment. Le fait de suivre l’inspectrice Yoo-jin (Doona Bae, toujours aussi juste dans un rôle qui rappelle, par moments, celui qu’elle tenait dans Les Bonnes étoiles d’Hirokazu Kore-Eda) permet en effet au film d’élargir sa portée, en passant d’un cas personnel à une problématique universelle, qui met à jour tout un système vicié.
“Pour le public coréen, ce n’est ni une parabole, ni une métaphore, rien d’autre que la réalité”, déclare July Jung dans le dossier de presse pour appuyer son intention, non pas de faire passer un message social précis, mais de mettre les spectateurs face à l’inconséquence et la lâcheté des gens, afin de faire naître des discussions. Et éviter qu’une autre Kim Sohee ne soit confrontée aux mêmes choses, comme l’indique le titre international, Next Sohee, qui prend son sens au gré du film.
Un titre que July Jung a vite trouvé. Avec la structure ainsi que le début et la fin, qui se répondent en écho et réunissent les deux personnages : Yoo-jin et Kim Sohee, jouée par Kim So-eun, révélation du film, le second de sa jeune carrière. Et sans doute par le dernier au vu de sa palette d’émotions et sa présence à l’écran. Elle est pour beaucoup dans la réussite de ce drame à voir, et dont les talents sont à suivre. En espérant que la réalisatrice attende moins longtemps pour revenir au cinéma.